La voix de son maire

Publié le par KLAPP'68

    La ville de Mulhouse compte 16 quartiers au total, et près d’une dizaine de ces journaux dits « de quartier ». Ils s’appellent  « Le p’tit journal de Cité-Briand », « Le Miroir », « Info Bourtz », « Le journal des Coteaux », « Droubadou » ... pour en citer quelques-uns. Beaucoup sont de facture honorable, et sans prétention. On y trouve des conseils de tous ordres, une page découverte consacrée, par exemple, à un monument à (re)découvrir, au savoir-faire de l’artisan du coin, des recettes de cuisine, une rubrique humour (le rieur de quartier n’est heureusement pas exigeant), et quelquefois même la biographie d’une figure du lieu.    
    A en croire les responsables municipaux, la raison d’être de ces bulletins serait purement sociale. Il s’agirait de « créer du lien » entre les habitants. D’ailleurs, comme le précisait Roger Imbéry (Adjoint au maire chargé de la coordination des conseils de quartier) dans le journal municipal « l’écho mulhousien », daté de mars 2006 : (…) « ils sont faits par les habitants pour les habitants ».
    Mais alors, pourquoi donc vous submerge la nette impression que cette paralittérature "citoyenne", si manifestement aseptisée et soporifique, se donne des airs de brochures publicitaires? Les habitants seraient-il à ce point unanimes sur l’état de leur proche environnement, que jamais ils ne trouveraient à manifester quelque doute, notamment à l’endroit de leurs élus, dans le journal qui les représente?

LES ECHOS DE "L'ECHO"

    Ce sentiment de malaise ne pourra que perdurer, dès lors que ne sera pas confondue la nature purement ornementale et accessoire de ces éditions. Lesquelles n’ont pour fondement réel que de servir les intérêts de certains représentants municipaux, dont notamment des adjoints, visiblement peu soucieux de rendre la confiance qu’eux-mêmes ont sollicitée à leurs électeurs-lecteurs, en leur garantissant de véritables moyens pour la mise en oeuvre d'une expression libre. Le fait est que l’ensemble de ces édiles a reçu la charge de piloter les conseils de quartier, lesquels ont évidemment la haute main sur les associations éditrices de ces journaux, c’est dire l’exacte nature de l’œuvre informative...
    De façon plus explicite, nous n'admettrons la visibilité de ces «journaux», que le jour où il sera notamment possible d'y lire le sentiment critique des habitants, sur les décisions politiques et sociales qui impactent leur quotidien. Quand ils seront le reflet de leur coup de gueule, et de leurs espoirs. En somme, quand on sentira un peu d’épaisseur humaine dans le rédactionnel. Et l’on s’y exprimera d’autant mieux, que leurs complaisants rédacteurs (qui sont souvent conseillers de quartiers, mais aussi, malheureusement pour nous et pour eux, des professionnels du secteur socio-éducatif…) consentiront à ne pas travestir les bonnes volontés qui s'y expriment, et à ne plus se satisfaire des avantages en nature que leur procure la municipalité, afin de réaliser des brochures pour l'auto-promotion municipale. Ces avantages sont tout autant logistiques, techniques que financiers. Cela fait beaucoup d’armatures pour un esprit libre.
    Quant à l’intention avouée de la mairie, elle n’est certes pas d’amoindrir le poids de ces chaînes, bien au contraire. Montrer patte blanche est indispensable, si l’on veut un jour, figurer dans la liste des journalistes d’occasion. Sandrine Wolff, présidente de l’association «l’avis du klapperstein», dont nous parlons plus bas, nous indique que «Vous pouvez aussi devenir conseiller de quartier et être reçu au préalable par Mme Eckert.[adjointe au Maire ndlr] Mais elle nous a dit lors de notre réunion, qu'aucun nouveau conseiller ne sera agréé avant les prochaines élections municipales.»… Par ailleurs, Roger Imbéry signifiait clairement les limites de l’impertinence, dans le mensuel municipal de mars 2006: « nous travaillons actuellement à la création d’une charte éthique, qui fixe ce que l’on peut faire et ce que l’on ne peut pas faire». Gageons que la liberté de critiquer ses élus ne figure pas au pinacle de ladite « charte »…
    De ce point de vue au moins, l’organe de presse municipal «l’écho mulhousien» n’a pas besoin de ces affectations démocratiques : le trombinoscope vous annonce rapidement pour la gloriole de qui c’est fait!

L’AVIS DU KLAPPOTIS


    Nous vous avons réservé le pire pour la fin, car il fallait encore vous entretenir de la p’tite dernière, parmi le cheptel des revues para-municipales. Celle qui nous affecte le plus, et pour cause.
    Il s’agit là du prince de la publi-information, du Canada dry de la satire, j’ai nommé « L’avis du Klapperstein ». Quelle bande de chanceux, ces mulhousiens du centre historique!
Nous faudrait-il reconnaître que le klapperstein n’appartient à personne, ou considérer qu’il s’agit là d’une pièce unique, représentant l’esprit grivois des mulhousiens?
    Evidemment, quand on s’appelle «klapp68», que l’on se revendique héritier de l'inoxydable  «klapperstei 68», organe central de la contre-information corrosive et satirique alsacienne, durant les années 70, fils naturel de Monsieur Jean-Pierre Sallent, et d’une bonne centaine de rédacteurs et rédactrices bénévoles, on a quelque difficulté à s’orner l’esprit de piètres contrefaçons. Notre réponse ne fait donc pas de doute.
    En revanche, comment fait-on pour soutenir sans rire que «Le titre a été choisi car comme le klapperstein, nous souhaitons parler de ce qui intéresse les Mulhousiens», ainsi que l’a signifié la présidente de « l’avis du klapperstein », dans un courriel à l'un de nos lecteurs ?. Pourtant, malgré son titre ambitieux, en parcourant les pages de cette triste resucée, il est permis de douter qu’un esprit de contestation démange encore le-Mulhousien-du-centre-historique… Et le fait qu’il ait été voulu et porté par Christiane Eckert, adjointe au maire, chargée notamment du commerce et de l’artisanat, est sans doute éclairant à ce titre.
Par ailleurs, compte tenu les subventions municipales allouées à cette presse, on pourrait même trouver abusif les 15 euros de cotisation obligatoire, pour espérer en être. Mais c’est d’abord l’ectoplasme de citoyen mulhousien (apparemment épris d’anecdotes et d’éphémérides, d’ailleurs que pourrait-il espérer d’autre?) qui devra se retrouver dans ce premier numéro, paru en juin 2007. Entre un hommage (évidemment incontestable) à une résistante ayant habité le quartier, on y félicite avec force superlatifs et interview déférente, le responsable du magasin «Globe », pour le nouvel agencement de son épicerie haut de gamme…

    Rappelons pour mémoire que le Klapperstein (qu'il s'agisse du masque de pierre, ou de la revue satirique des années 70) n’a jamais été imaginé pour faciliter les contacts à caractère clientélistes, mais au contraire, pour s’en défaire.  
    Voilà donc ce que l'on offre en pâture quand on mélange communication politique, et pseudo-information!

MON CUL HEBDO

    Mais la vraie question de fond, la seule qui devrait fâcher, et qui mériterait une analyse à la hauteur du problème, est de nature différente. Car la multiplication de ces journaux est aussi la marque d'un malaise "sociétal". Et s'ils font illusion en terme de liberté d'expression, c'est d'abord parce qu'ils rassurent (il n'y a pas ou plus d'enjeu qui nous divise) et parce qu'ils répondent à l'air du temps (l'entre-soi prévaut l'entre-monde). En effet, leurs commanditaires ne pensent plus les rapports sociaux qu'en terme de fragmentation individualiste et apolitique, le « vivre ensemble » qu'en terme de divisions arbitraires (mon quartier, mon clan, ma passion, mon objet etc…).

    Heureusement qu’à Klapp'68 on accueille tout le monde, même les étrangers <<de l’extérieur» de Mulhouse!
 
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